Vous êtes ici
Accueil > Actualité > Les Écologistes ouvrent le débat sur l’innovation !

Les Écologistes ouvrent le débat sur l’innovation !

1 – Structurer l’Europe de l’innovation
Comment «les institutions» de l’innovation européenne doivent-elles se structurer pour nous permettre de rattraper les leaders que sont les USA et la Chine ? Par exemple, faut-il créer une « DARPA » européenne ?

L’avantage américain en matière d’innovation provient d’un soutien public très conséquent à l’innovation dans le domaine de la défense, dont les applications se diffusent à d’autres domaines. L’Europe peut construire le contrepoint de cette politique d’innovation délétère : une politique d’innovation centrée sur la réponse aux enjeux climatiques, sujet fédérateur parmi les pays européens, et dont les nouveaux outils produits diffuseront dans l’ensemble de l’économie européenne. L’Europe peut devenir leader mondial de la transition écologique.

Cela suppose de créer des instances dédiées, par exemple au sein du Conseil Européen de l’innovation, un pôle transition écologique structurant et visible, prioritaire sur le plan budgétaire. Dans le domaine du numérique par exemple, nous proposons que le Etats-membres coopèrent pour créer un géant européen public du numérique, qui permettrait de concentrer les efforts de recherche, d’innovation, et de production des matériels et logiciels nécessaires dans un cadre encadré par la loi et les conventions internationales.

Quels sont selon vous, les freins sociétaux à l’innovation ? Sont-ils justifiés, et sinon comment les résorber ?
Encourager l’innovation suppose un changement culturel.
D’abord créer un consensus apaisé sur la place de la technologie dans la société, et en particulier dans la réponse aux enjeux environnementaux. Il n’y aura pas de « salut » technologique, la technologie à elle seule ne permettra pas de répondre aux dérèglements environnementaux. Elle ne doit pas être le prétexte à l’inaction en matière environnementale, car elle ne peut se substituer aux politiques publiques et aux changements comportementaux nécessaires pour répondre au défi climatique.

La technologie fait néanmoins partie de la solution, en matière de mobilité, d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables : la technologie doit devenir un accélérateur de la transition. Il faut également entendre que l’innovation ne se limite pas à la technologie, mais elle comprend aussi les usages. L’innovation sociale fait partie intégrante de la construction d’une société apaisée.

Enfin, la mise en œuvre de la politique européenne d’innovation doit faire l’objet d’un partage et d’un contrôle citoyen, pour renforcer l’adhésion et évacuer la possibilité d’une technique non maitrisée qui s’écarte de l’intérêt général et du bien vivre.

Pour lever les freins culturels à l’innovation, il faut que l’innovation retrouve du sens. Il ne s’agit pas d’innover pour innover mais pour réaliser la nécessaire transition écologique et laisser une planète vivable aux générations futures.

Pour donner un nouvel horizon à l’innovation, il faut donner corps à l’amélioration de la société qu’elle doit être en mesure de porter. Nous proposons d’investir plus et mieux dans la recherche et l’innovation au service de l’intérêt général et sur l’exposition aux polluants, et de rediriger les fonds investis vers des produits sobres en ressources naturelles et respectueux de l’humain, plutôt que vers la transfiguration du vivant (notamment à travers le transhumanisme, les nouveaux OGMs ou les nanotechnologies), avec pour priorité de faire émerger des brevets publics et open source.

Une politique d’industrialisation et d’emplois verts permettrait le développement d’industries et d’activités respectueuses des limites planétaires, en premier lieu desquelles l’efficacité énergétique dont la rénovation thermique, les énergies renouvelables, le réemploi des déchets (par exemple la consigne ou le réemploi du textile), créatrices d’emplois et propices à l’amélioration de la vie de toutes et tous.

2 – Organiser le fonctionnement
Quelle organisation de la DGRI et des autres structures en Europe, serait susceptible de combiner efficacement les niveaux régionaux, nationaux et européens ?

Pour être efficace, la gestion des financements de l’innovation de l’EIC (European Innovation Council) devrait se faire de manière décentralisée pour simplifier les procédures que tous les bilans du programme H2020 ont jugé trop complexes. Cette gestion décentralisée pourrait éventuellement se faire au travers de L’European Institute of Innovation and Technology.

Par ailleurs des accords de gouvernance croisés pourraient permettre à chaque niveau (local, national, européen) de participer aux instances de gouvernance des autres niveaux, de façon à assurer une complémentarité et non une concurrence des différents niveaux.

Faut-il accélérer la mise en œuvre du Brevet Européen Unitaire et de la Juridiction Unifiée des Brevets, et en faire des outils de politique industrielle ?
La création du Brevet Unique Européen (BUE) simplifie les démarches des porteurs de brevets ; il ne sera désormais plus nécessaire de faire enregistrer son brevet dans les 38 Etats membres de l’Organisation européenne des brevets (OEB) pour le faire protéger en Europe. La démarche unique au niveau de l’Europe est bienvenue.

La juridiction supranationale unifiée qui en découle visera à éviter la recrudescence des contestations devant les juridictions nationales, et donc le risque de jugement divergents sur une même affaire, au profit d’un système unifié de règlement des litiges relatifs aux brevets.

Mais la privatisation par des brevets n’est pas l’unique voie de développement industriel. L’open source, le partage de la connaissance et des technologies, constituent des opportunités pour remettre des logiques de partage et de bien commun dans les pratiques de l’innovation. Nous sommes favorables à la mise en œuvre de véritables brevets publics et open source pour favoriser ces dynamiques, essentielles pour nourrir et transformer les politiques industrielles et notre rapport à l’innovation.

3 – Développer l’entrepreneuriat
Quelles mesures comptez-vous prendre pour stimuler l’entrepreneuriat en Europe ? Notamment pour attirer plus de professionnels de qualité ET mieux prendre en compte les entrepreneurs en situation d’échec ?

Face à l’effondrement (climat, biodiversité) sur lequel la collectivité scientifique nous alerte, nous choisissons de faire face et de transformer cette fin du monde qui guette en une fin d’un système, en la naissance d’un nouveau système, plus vertueux. L’Europe peut et doit devenir leader mondial de la transition écologique, impulser de nouvelles politiques et offrir à sa population un avenir sain et heureux.

Pour sauver le climat, nous proposons un plan d’investissements massifs d’investissement qui passe par le fléchage de 100 milliards d’euros par an vers les activités de la transition. Ces investissements seraient dirigées vers 5 domaines prioritaires : la sobriété et l’efficacité énergétique, la mobilité durable, la protection de la biodiversité, l’agriculture agro-écologique et les énergies renouvelables. En parallèle, nous proposons que le budget de l’UE soit rehaussé de 1% à 5% de son PIB, et que la moitié de ce futur budget soit consacré au climat. Un fonds pour l’avenir européen serait créé pour promouvoir les investissements publics, ainsi qu’un fonds d’investissement pour la transition écologique (basé sur l’ancien Fonds CECA) destiné à la recherche sur les énergies renouvelables.

Ces entreprises, ces emplois, sont mieux distribués sur les territoires et offrent l’opportunité d’emplois non-délocalisables et plus résilients. Nous voulons réparer les territoires en faisant de cet échelon où se vivent nos quotidiens le terreau de ce renouveau entrepreneurial. L’économie sociale et solidaire, l’économie circulaire, incarnent déjà ces réussites et prouvent que ce système est dynamique, plus créateur d’emplois et réaliste. Le projet de plan d’investissement que nous portons propose de mettre la force politique au service de l’innovation des territoires et des entreprises qui œuvrent au bénéfice de toutes et tous en respectant les limites planétaires et en impulsant un nouveau dynamisme économique.

Que pensez-vous du reproche d’inflation législative et règlementaire fait à l’Europe ? S’agit-il d’un frein à l’innovation et à l’entrepreneuriat ?
Ce qui freine l’innovation, ce n’est pas l’inflation législative, c’est l’insécurité des financements et la nécessaire visibilité sur la rentabilité de projets. Par exemple l’instabilité des règles du fonds chaleur, tout comme la baisse du prix des énergies fossiles en France, a découragé le lancement de projets qui, en la matière, trouvent leur rentabilité sur 25 à 30 ans.

Il faut libérer la possibilité pour la commande publique d’encourager l’innovation quand elle est respectueuse du climat, des droits du travail et des limites planétaires. La commande publique constitue un levier essentiel pour changer les pratiques et acter la transition écologique de la société. En France avec le décret du 24 décembre 2018, qui permet jusqu’à 100 000 euros de passer commande pour un projet innovant sans appel d’offres, des portes s’ouvrent. Il s’agit de renforcer ces possibilités dans les cas où les projets ont un impact environnemental positif.

4 – Innovation et société :
Comment élargir le soutien populaire de l’Europe en développant une politique inclusive ?
Exemples :
Pensez-vous que la création d’entreprises innovantes, soit une réponse au problème de l’emploi et que l’Europe puisse lancer une telle politique ?

Si par innovation nous entendons innovation au service de l’environnement et du vivant, la création d’entreprises innovantes est une réponse efficace au problème de l’emploi à portée de main de l’Europe.

Face à la baisse de compétitivité et au chômage galopant, nous choisissons d’investir dans l’environnement. Face au déficit de notre balance commerciale, nous choisissons de produire notre propre énergie pour regagner notre souveraineté sur des ressources inexistantes sur notre territoire et dont notre économie dépend en grande partie. Face à la disparition des services publics, nous choisissons de réinvestir nos territoires car relocaliser les emplois, préserver les services publics et développer un grand plan de mobilité durable sont trois facettes d’une même vision. Le plan d’investissement massif pour le climat que nous proposons est un bouclier tant écologique que social qui doit redonner aux entreprises la capacité d’innover dans le sens de la protection de l’environnement, des communs et du vivant.

Le système actuel a prouvé son inefficacité à dynamiser la création d’emplois, à soutenir l’innovation, à permettre de tirer l’Europe vers le haut comme à préserver le climat. Il est temps de tout changer.

Que proposez-vous pour « normaliser » la situation fiscale des GAFA ?
Aujourd’hui, les grandes multinationales du numérique payent sensiblement moins d’impôts que les autres entreprises et les ménages en transférant artificiellement leurs bénéfices vers des Etats à faible fiscalité. La dématérialisation de leurs activités ne les exonère cependant pas des responsabilités sociales du monde réel. Elles profitent comme tout le monde des infrastructures, notamment numériques, d’une main d’œuvre qualifiée et en bonne santé, le tout financé par les fonds publics. Nous demandons depuis longtemps que les GAFAM payent leur part équitable dans les pays où ils exercent leurs activités et génèrent des revenus.

Des solutions existent au niveau européen. Par exemple, la création de l’ACCIS (Assiette Commune Consolidée de l’Impôt sur les sociétés), aujourd’hui bloquée au Conseil, permettrait d’instaurer un taux commun et minimum de l’impôt sur les sociétés en Europe. L’ACCIS rendrait donc de facto l’optimisation fiscale au sein de l’UE inopérante, empêchant certaines entreprises entreprises de minimiser leurs impôts. Dans l’attente de cette refonte globale du système de taxation en Europe, d’autres mesures sont possibles, telles que la taxe GAFAM, elle aussi bloquée au Conseil, ou encore le reporting obligatoire pays par pays des activités des grandes entreprises, de telle manière à connaître l’écart entre leurs activités réelles et l’impôt qu’elles paient.

Ces blocages au conseil sont le résultat de la règle de l’unanimité, qui prévaut pour les questions fiscales, et permet donc à quelques Etats de bloquer toute avancée pour protéger leurs privilèges. Contre le manque de courage des Etats Membres, nous demandons à la Commission de donner au Parlement un pouvoir de co-décision sur les questions fiscales, et d’utiliser la majorité, et non l’unanimité, au sein du Conseil, sur la base de l’article 116 du TFUE. Il y a d’autant plus urgence que nous sommes ici confrontés à une distorsion de concurrence : en échappant à l’impôt, ce que les petites entreprises n’ont pas les moyens de faire, les multinationales bénéficient de fait d’un avantage concurrentiel injuste et conséquent.

5 – Financement privé :
Comment articuler les politiques régionales et nationales avec l’Europe, notamment dans le domaine du financement privé ? Quels nouveaux outils de financement privé doit-on mettre en place au niveau européen pour renforcer l’innovation ?

En France, l’innovation est principalement financée par le Crédit Impôt Recherche, dont l’effet de levier sur les financements privés n’est d’ailleurs pas démontré. Le Crédit Impôt Recherche meriterait d’être recentré sur son objectif premier, encourager le développement des TPE et PME innovantes, en mettant en place un plafonnement par groupe (et non par structure juridique) et en la conditionnant à des orientations stratégiques, au premier lieu desquelles la transition écologique .

Sandra Regol
Directrice du pôle contenu
Campagne européenne des écologistes
pourleclimat.eu

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top